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April 4, 2025
Neutralité permanente : un modèle de paix, de sécurité et de justice
Herbert R. Reginbogin, Pascal Lottaz

Il existe de nombreux modèles possibles pour apporter la paix, la sécurité et la justice dans le monde. L’un d’eux est l’empire ou l’hégémonie : placer une seule puissance aux commandes. Une autre solution est la gestion partagée des grandes puissances, sur le modèle de https://neutralitystudies.com/books/permanent-neutrality/Concert de l'Europe du XIXe siècle. Un autre problème est l’équilibre des pouvoirs. Les juristes internationaux sont particulièrement attirés par l’ordre instauré par l’adhésion à un ensemble de normes universelles... La liste pourrait être allongée plus ou moins indéfiniment. La présente discussion portera sur l’interaction et les contrastes entre deux stratégies particulières : la neutralité permanente et la sécurité collective.

June 7, 2025
Conférence du GCSP sur la dimension internationale de la neutralité
Centre pour la Neutralité de Genève

La conférence « La dimension internationale de la neutralité – Un débat sur la sécurité à Genève », organisée par le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) en collaboration avec la Mission permanente du Turkménistan et le Centre de politique de sécurité de Genève, s'est tenue le 5 juin et a suscité un vif intérêt parmi les chercheurs, les diplomates et les représentants des organisations internationales à Genève.

La table ronde de haut niveau a été ouverte par l'ambassadeur Thomas Greminger, directeur exécutif du GCSP, qui a souligné l'importance de la neutralité dans un monde de plus en plus fragmenté. Il a exploré ses dimensions internationales sous différents angles, notamment le non-alignement, le multi-alignement et la neutralité positive.

Le rôle de la neutralité active du Turkménistan a été souligné par S.E. M. Hajiev, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Turkménistan, et S.E. M. Shiri Shiriyev, directeur des études stratégiques à l'Institut des relations internationales du ministère des Affaires étrangères du Turkménistan.

Parmi les intervenants figuraient S.E. M. Christian Guillermet Fernández, Représentant permanent du Costa Rica auprès de l'Office des Nations Unies à Genève ; S.E. M. Jamal Jama Al Musharakh, Représentant permanent des Émirats arabes unis auprès de l'Office des Nations Unies à Genève ; S.E. Dr Anupam Ray, Représentant permanent de l'Inde auprès de la Conférence du désarmement ; et Jean-Daniel Ruch, Président du Centre pour la neutralité de Genève. La discussion a porté sur la manière dont les États gèrent la pression croissante pour prendre parti tout en s'efforçant de préserver leur autonomie stratégique. Le panel a également réfléchi au potentiel de la neutralité pour soutenir la stabilité mondiale et le dialogue dans un contexte d'escalade des tensions géopolitiques.

Chacun des quatre pays représentés a partagé sa propre approche de la neutralité :

Le Costa Rica prône une neutralité non armée, s'appuyant sur des relations diplomatiques solides avec les pays voisins pour résoudre les différends. Le pays est fier de son service diplomatique actif et de ses contributions à la diplomatie multilatérale sous un statut de neutralité.

Les Émirats arabes unis, situés au carrefour de l'Orient et de l'Occident, mènent une politique étrangère adaptative qui reflète une forme de neutralité pragmatique. Tirant parti de leurs ressources, les Émirats arabes unis cherchent à favoriser la prospérité nationale par le biais de partenariats internationaux de grande envergure. Leur participation aux accords d'Abraham souligne leur engagement en faveur de la paix.

L'Inde, vaste nation de plus en plus influente, maintient une approche particulière de la neutralité. Sa politique permet de participer à des alliances tout en restant non alignée, ce qui lui permet d'adopter une approche équilibrée face aux futures dynamiques de pouvoir mondiales.

La Suisse entretient une longue tradition de neutralité armée. Réputée pour ses contributions humanitaires et ses efforts de médiation, la Suisse considère la neutralité à la fois comme un élément fondamental de l'identité nationale et un instrument clé de sa politique étrangère. Comme l'a expliqué Jean-Daniel Ruch, « la neutralité suisse a deux dimensions : à l'intérieur, elle fait partie de l'identité suisse ; à l'extérieur, elle permet à la Suisse d'agir comme médiateur et partenaire prévisible et non menaçant. Pour préserver la neutralité suisse, trois éléments doivent être préservés : le droit de la neutralité, la politique de neutralité et la perception de la neutralité. Dans le monde polarisé d'aujourd'hui, nous devons envisager la formation d'une coalition d'États constitutionnellement neutres, non alignés et multialignés.»

Les quatre pays ont reconnu bénéficier, à des degrés divers, du parapluie sécuritaire des puissances occidentales. Néanmoins, ils cherchent à consolider leurs positions en soutenant le droit international humanitaire, en résistant aux pressions extérieures et en promouvant la diplomatie multilatérale. Collectivement, ces États ont exprimé le souhait de voir le concept de neutralité évoluer et se développer dans le cadre des relations internationales.

June 29, 2025
Un appel mondial pour la neutralité active lancé depuis Genève
www.swissinfo.ch

Plusieurs acteurs ont lancé un appel mondial à Genève pour la neutralité active au moment les grandes puissances durcissent le ton. La ville est en compétition avec Vienne pour attirer un Congrès international sur cette question en 2026.

(Keystone-ATS) Au terme de deux jours d’une réunion qui a rassemblé 90 experts de la diplomatie, du droit international et du numérique de 27 pays à Troinex (GE) et en ligne, une déclaration publique et un plan ont été approuvés vendredi. D’ici fin 2026, l’objectif est de lancer un Réseau international sur la neutralité qui observera les pratiques des différents acteurs.

D’ici 2030, une Déclaration de l’ONU sur la neutralité active dans l’écosystème numérique et un label sont souhaités. Et un accord international contraignant pour la neutralité à l’ère numérique devra suivre à plus long terme.

Les confrontations entre grandes puissances provoquent de plus en plus de tensions. Alertant sur une « urgence », la déclaration publique relève que la neutralité ne signifie pas « l’indifférence ».

Celle-ci doit contribuer à la prévention et la résolution des conflits, de même qu’au désarmement et au basculement des dépenses militaires vers les investissements sociaux et écologiques. Et éviter une militarisation de l’intelligence artificielle (IA). La demande est lancée alors que les pays de l’OTAN ont décidé l’augmentation à 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) de leur financement militaire.

Après Bogota

Face à cette situation, « nous pensons que Genève et les espaces neutres en général jouent un rôle essentiel pour favoriser le dialogue, rechercher la vérité et défendre l’intérêt général », a affirmé à Keystone-ATS le président du Centre de Genève pour la neutralité, Nicolas Ramseier.

Il faut s’interroger « sur notre neutralité suisse, dite active, et, plus largement, sur le rôle que peuvent jouer les autres Etats neutres », ajoute-t-il. Et d’insister sur le fait que « plus la fragmentation et la méfiance s’accroissent, plus la demande de zones neutres, transparentes et sécurisées, tant physiques que numériques, devient forte ».

Mais il devient plus difficile de faire accepter « une position neutre », admet M. Ramseier. Son centre a été précisément établi dans cette période « de critiques, de malentendus et de réinterprétations », notamment contre la Suisse. « Nous devons repenser la neutralité », « comme une posture proactive et structurée », et l’adapter aux défis technologiques du 21e siècle, estime le président.

Après Bogota l’année dernière, le Congrès international sur la neutralité pourrait être organisé en juin 2026 à Genève. Des centaines de dirigeants, académiques ou membres de la société civile devraient participer.

https://www.swissinfo.ch/

 

Articles et actualités du GCN
July 21, 2025
Pré-Congrès intranational pour la neutralité
Centre de Genève pour la neutralité
Les 26 et 27 juin s'est tenu à Genève un colloque international sur le thème « Un appel à l'action pour une neutralité active pour la paix mondiale ».

Le symposium a réuni près de 90 participants, venus de 27 pays représentant tous les continents. Organisé sous les auspices du Centre pour la neutralité de Genève (GCN), le symposium a marqué une étape cruciale dans l'effort mondial visant à redéfinir le rôle de la neutralité au 21e siècle. Il faisait suite au Congrès international sur la neutralité de 2024 à Bogotá et a servi de plateforme préparatoire pour le prochain Congrès prévu pour 2026 – avec Genève parmi les villes hôtes potentielles.
 
Les participants se sont mis d'accord sur une déclaration énumérant les défis actuels à la paix dans le monde, ainsi qu'un plan d'action visant à
  • Promouvoir le principe de neutralité en tant que méthode de promotion de la paix.
  • Etablir des plates-formes d'action dans le monde entier pour arrêter la guerre à travers une neutralité active. Dans ce contexte, nous lançons un réseau international d'acteurs engagés en faveur de la neutralité, agissant également comme un observatoire permanent des pratiques mondiales en matière de neutralité.
  • Rédiger une déclaration des Nations Unies sur la neutralité active dans le domaine numérique et cybernétique, dans le but de parvenir à un traité international sur la neutralité à l'ère numérique, garantissant un cadre normatif durable pour la paix numérique.
  • Lancer un Swiss Digital Neutrality Label, une nouvelle référence pour les nations et les organisations qui s'efforcent de disposer d'écosystèmes numériques fiables, sécurisés et résilients.
  • Revendiquer la souveraineté et le non-alignement comme référents de la neutralité
 Ce programme ambitieux a été façonné avec la contribution d'experts de premier plan en diplomatie, en cybersécurité, en droit international et en gouvernance numérique, qui ont été spécifiquement invités à explorer des voies innovantes vers la neutralité technologique et une infrastructure numérique souveraine.

Les participants voient la neutralité comme la pierre angulaire d'un cadre de gouvernance mondiale qui harmonise les impératifs de la paix, du climat et du développement.
 
 
July 22, 2025
Le «present» de la neutralite, et son avenir
Martin Chodron de Courcel, Professeur de philosophie

Je voudrais, pour évoquer ce principe de neutralité, commencer par dire qu’il faut être sensible à l’allure de l’Histoire. Cette allure de l’Histoire me semble marquée par une oscillation permanente entre des élans contradictoires. Si vous m’y autorisez je dirais volontiers que l’Histoire oscille en permanence entre des élans « iréniques » et des élans « polémiques ».

Par élan irénique j’entends des moments favorables à l’idée de paix (c’est-à-dire le silence des armes) et par élan polémique j’entends ces moments où la politique laisse la place à la guerre.

Il est clair que nous sommes dans un élan polémique, alors que la période historique que j’évoquerai tout à l’heure, qui a vu la création de la Société des Nations et plus tard la naissance de l’ONU, était un élan irénique. 

La condition de possibilité de la justice c’est l’existence d’un tiers dans un différend, or ce tiers est absolument différent des partis engagés dans leur différend.

Le monde a besoin d’arbitre, il a besoin d’arbitrage. Quelle meilleure situation, pour rendre un arbitrage, que de le placer dans un espace neutre ?

Si la neutralité n’existait pas, il faudrait l’inventer. Or elle existe. Je voudrais, en quelques mots, cerner cette existence, et contribuer à rappeler son importance. 

Le principe de neutralité repose sur la mise à l’écart d’un axiome qui nous vient de loin, puisqu’il nous vient de Rome.

Quel est cet axiome ?

« Qui n’est pas avec moi est contre moi ». On en trouve la trace chez Tite-Live – « repousser l’alliance des Romains serait faire acte de folie  : il faut en faire des amis ou des ennemis. Choisissez » .

Cet axiome, que l’on pourrait aussi qualifier d’axiome du tiers exclu, repose sur une idée simple : dans la guerre l’indifférence est exclue, le monde se limite au partage ami/ennemi, une tierce position n’a pas lieu d’être.

C’est aussi l’émergence d’une autre idée simple : dans la guerre, pour s’en sortir, il faut élaborer des alliances. Or qu’est-ce qu’une alliance ? , c’est, si l’on peut dire, le lieu par excellence, de la fabrication du principe du tiers exclu.

Si la guerre est la politique continuée par d’autres moyens, alors la guerre vérifie le quasi réflexe qui est au cœur de la politique, le réflexe parfaitement formulé par un philosophe français, Gaston Berger, le père de Maurice Béjart, formulation qui se trouve dans le journal de Béjart, qu’il avait croisé avec celui de son père (la Mort subite)

Nous pouvons y lire ceci :

-       Un homme : l’ennui

-       Deux hommes : ‘la guerre

-       Trois hommes : la politique

La politique commence avec le jeu des alliances, deux hommes se liguent contre un troisième.

Le principe d’exclusion est en marche, une position neutre est par là-même exclue.

Guerres et alliances peuvent être considérées comme des invariants anthropologiques.

Le principe de neutralité n’a donc pas de racine anthropologique, c’est sa faiblesse, mais c’est aussi sa force.

Sa faiblesse, car il ne parle pas vraiment aux humains que nous sommes. Être humain c’est être partial. Ce n’est pas l’égoïsme individuel qui est à la racine de nos actions, c’est la volonté de protéger les siens, les miens d’abord, les autres après.

Dit autrement : spontanément nous sommes injustes car la justice ne fait pas acception des personnes. D’où sa figuration avec les yeux bandés.

« Le phénomène « Droit » existe chaque fois qu’a lieu l’intervention d’un tiers désintéressé ».

Ce tiers désintéressé intervient de façon impartiale aimait à dire Alexandre Kojève.

Et cette position de tiers désintéressé et impartial n’est jamais bien acceptée contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Le principe du contradictoire, qui est au cœur du droit et de la justice, exige un rituel qui n’a rien de naturel.

Le principe de neutralité, en ce sens, ressemble au droit, car il repose sur le présupposé de la possibilité de la position d’un tiers.

Voilà pourquoi cette faiblesse apparente du principe de neutralité - il n’a pas de fondement anthropologique – est en réalité sa force.

C’est un principe qui surgit dans l’histoire, l’ancien juge à la Cour Internationale de Justice, Isidro Fabela, insistait sur ce fait historique que « la neutralité est un concept juridique moderne ».

Et il en proposait une définition succincte : « la neutralité est la situation juridique d’un Etat à l’égard de deux ou de plusieurs belligérants, selon laquelle il ne participe pas à la guerre et n’aide aucun des combattants ».

Ce parti pris de non-participation, ce parti pris de non parti pris, provoque aussitôt des résistances.

Ce que disait Luc De Meuron en 1946 ( Notre Neutralité) n’a rien perdu de son actualité : « depuis le Congrès de Vienne, notre pays se refuse à faire l’histoire, à participer à la grande mêlée de larmes et de sang où s’effondrent les empires et où naissent « des lendemains qui chantent ».

Il a renoncé à la guerre et a sacrifié pour la Paix son besoin de grandeur.

S’il continue à affirmer sa vitalité et sa foi à l’intérieur de ses frontières, il commet à d’autres le soin enivrant de forger le destin du monde… ».

Toutes les fois que se pose le problème de notre neutralité, la Suisse connait aussi un drame intérieur qui la bouleverse moralement parce qu’elle a peur d’être lâche.

Elle oublie simplement qu’en se voulant neutre, elle reste seule dans le heurt des passions et le fracas des batailles.

En se faisant reconnaitre un statut de neutralité perpétuelle, notre pays assume devant l’histoire, le rôle ingrat, mais combien noble, de l’objecteur de conscience qui, pour toujours, a dit non à la guerre ».

    Que retenir de ce petit texte de 1946  que Luc de Meuron présentait comme un « avant propos » pour sa réflexion sur « Notre neutralité » ?

La Suisse par son choix de la neutralité s’expose assez régulièrement, pour ne pas dire fréquemment, au « drame intérieur », le drame d’un pays qui a peur d’être lâche.

En se tenant à distance des grandes mêlées de larmes et de sang où s’effondrent les empires, la Suisse a accepté, par là-même, d’assumer le rôle ingrat d’un pays qui soulève des objections face au cours de l’histoire.

Rôle ingrat parce que la reconnaissance se fait toujours attendre.

 Enfin, le plus important tient au titre de son livre « Notre neutralité ».

La neutralité suisse n’est pas une neutralité parmi d’autres, elle a quelque chose d’unique. Et c’est cette singularité qui la fait bien souvent méconnaitre. 

Tout se résume, sans doute, dans ce petit mot lourd de sens : «  perpétuelle ».

Il est assez remarquable que cette peur redoutée d’être tenue pour lâche ressurgisse dans un colloque en septembre 1983.

Louis-Edouard Roulet introduisant les actes du colloque international sur les Etats neutres européens et la seconde guerre mondiale, organisé par les universités de Neuchâtel et de Berne en septembre 1983, remarquait ceci : « la guerre, pour effroyables qu’en soient les manifestations, retient par ses aspects épiques, dramatiques voire tragiques, l’attention et des contemporains et de la postérité. A côté du fracas des armes et de la misère des hommes, la neutralité se révèle peu spectaculaire. Bien qu’elle corresponde essentiellement à une volonté pacifique et qu’elle prétende à une philosophie du droit international qui préfèrerait régler les différends par un arrangement négocié, elle n’est pas à proprement parler populaire, sauf pour les ressortissants contemporains d’un pays qui en bénéficie.  Celui qui est engagé dans un combat dont l’issue ne le concerne pas seulement à titre personnel, mais dont il pense qu’elle déterminera la survie du pays auquel il appartient, n’a que peu de considération pour ceux demeurés à l’écart, à l’abri des coups et dont l’attitude lui paraitra généralement complice d’une forme de lâcheté ».

J’évoquais la figure d’Isidro Fabela, il remarque que « la neutralité perpétuelle, volontaire et intégrale de la Confédération helvétique, est un cas unique dans l’Histoire du Droit international moderne ».

Or, un cas unique brouille le jeu des comparaisons, voire rend les comparaisons impossibles. Elle dessine surtout une vocation, et une vocation a besoin de se conforter, de se réconforter car elle ne peut compter que sur elle-même.

Une telle vocation a des ennemis et ces ennemis ne sont pas nécessairement infréquentables.

Le diplomate, Nicolas Politis (1872 – 1942) dans un petit livre la Neutralité et la paix (1935) où il s’interroge sur l’avenir de la neutralité dans son rapport à l’organisation de la paix, ouvre sa réflexion par une citation du grand juriste Antoine Loysel (1536 – 1617) « qui peut et n’empêche pèche ».

C’est donner beaucoup de pouvoir au pouvoir, il faudrait dire à la puissance, et c’est condamner par principe une politique de l’abstention, à la faveur d’un principe d’ingérence.

D’ailleurs, dans son ouvrage, Nicolas Politis considère que la neutralité n’est plus de saison :

« la neutralité est née et s’est développée comme un produit de l’anarchie internationale dans un monde où les Etats avaient la prétention d’exercer sans le moindre contrôle un pouvoir souverain illimité où ils avaient le droit absolu de guerre, où ils ne connaissaient aucun système régulier de justice, où l’interdépendance de leurs intérêts ne pouvait être conçue que comme une spéculation de l’esprit, où enfin leur communauté était dépourvue de toute organisation ».

Voilà, pour Nicolas Politis, les conditions historiques qui pouvaient expliquer et justifier la neutralité.

Cette liste des conditions favorables à la neutralité a été dressée en Janvier 1935.

Or, pour Nicolas Politis, l’émergence de la Société des Nations (S.D.N.) basée à Genève et qui durera 26 ans, change totalement la donne et conduit au « déclin de la neutralité ».

«En droit, la neutralité a cessé d’être une institution. Mais le droit est ici en avance sur les habitudes, sur les croyances, sur les faits ».

Et reprenant la maxime de Loysel placée en exergue de son livre « qui peut et n’empêche pèche », il considère que si cette maxime « n’a plus guère de valeur en droit interne, elle en conserve une, et bien grande, en droit international...

La maxime de Loysel traduit si bien un besoin primordial de la vie des peuples qu’elle mérite d’être répandue comme un mot d’ordre qui doit pénétrer profondément dans la conscience des hommes civilisés pour inspirer et guider la conduite de tous les gouvernements. C’est pourquoi elle a été placée en exergue du présent ouvrage ».

Nicolas Politis était un ennemi de la neutralité parce qu’il était un ami du droit international et de la justice internationale.

Si la mise hors la loi de la guerre par le pacte de Paris devenait une réalité historique « condamné dans son principe par le pacte de Paris, ne pouvant plus servir l’intérêt bien entendu des nations, le régime traditionnel de la neutralité devait être délibérément abandonné ».

Je rappelle que par « Pacte de Paris » on entend le pacte Briand-Kellog qui est un traité de paix signé en 1928 et qui condamne le recours à la guerre pour régler les différends entre les Etats.

On touche ici aux limites du droit, car le droit est l’art des solutions.

La Société des Nations était une solution, tout comme l’ONU sera une nouvelle solution.

Les solutions ont toutefois un inconvénient, elles cherchent à être la bonne réponse à une question, que celle-ci soit bien ou mal posée.

Mais la neutralité est-elle une solution ? Et si elle est une solution alors qu’elle était la question ? Les solutions ont une histoire, elles ne sont jamais définitives, elles sont provisoires. La neutralité perpétuelle qui écarte audacieusement la tentation du provisoire, n’est pas une solution elle est une position. Une position issue d’une prise de position. Or une position n’est pas une réponse, c’est une instauration. On ne répond pas à une interpellation du passé, on instaure un avenir.

On cherche, par avance, à répondre de l’avenir. Cette position, je le disais, est rarement comprise. Les peuples ont pris le goût aux ingérences, ils finissent par perdre de vue leurs combats pour l’autodétermination.

J’évoquais Luc de Meuron et son livre Notre neutralité. Il se trouve qu’un an plus tôt, en 1945, un certain Winston Churchill rencontrait à Paris une figure que tous les Suisses connaissent, Carl J. Burckhardt. Cette rencontre est racontée par Max Petitpierre, il vaut la peine de le citer : «Votre neutralité, je n’en connais pas l’historique, mais elle nous a rudement servi au point de vue stratégique. Elle est une nécessité, ou plutôt elle a été une nécessité, car la prochaine fois, si nous ne réussissons pas à l’éviter, plus rien ne tiendra, aucune loi internationale. Ce ne sera qu’alors que nous connaitrons la guerre totale. ».

«Carl Burckhardt n’était pas à Paris seulement comme observateur. Il devait aussi donner une image de la Suisse et de ses réalités. Historien et Européen, il pouvait présenter la neutralité suisse comme une des constantes de la politique européenne et défendre la politique qui en découlait et qui, comme on le sait, n’était pas très populaire dans les pays qui avaient été entrainés dans la guerre, et en particulier en France.

On se souvient que l’hostilité française à notre neutralité c’était manifestée à la conférence de San Francisco de 1945 où la délégation française proposa qu’on introduisit dans la Charte des Nations Unies une disposition selon laquelle il y avait incompatibilité entre la neutralité et la qualité de membre de la nouvelle organisation ».

La chasse aux incompatibilités est une chasse perpétuellement ouverte, son arme favorite est l’intimidation. Ce que rapporte Max Petitpierre, à l’occasion de la mission à Paris de Carl J. Burckhardt, nous donne à voir à quel point la neutralité perpétuelle de la Suisse est régulièrement « en question ». Mais ce que montre l’histoire de la Suisse est que sa neutralité perpétuelle est « hors de question », en dehors d’un questionnement en amont de toute question.

Conclusion

Qu’est-ce que la neutralité ? la neutralité n’est pas l’effet d’une neutralisation subie, et qui écarterait ainsi un pays de l’histoire vivante, même si une telle neutralité existe bien dans certains pays. La neutralité, telle que nous la voyons à l’œuvre dans la neutralité perpétuelle reconnue à la Suisse, est d’un autre ordre.

C’est à la langue latine d’en demander le sens profond. L’adverbe « neutro » signifie « vers aucun des deux côtés », « neutrum » cela veut dire « ni l’un ni l’autre». On retombe ainsi sur l’axiome romain, qu’elle écarte d’entrée de jeu, qui n’est pas avec moi est contre moi. La neutralité lui répond :

«je ne suis ni avec toi ni avec ton meilleur ennemi, je suis résolument indifférente à ta mauvaise querelle. Mais ne t’inquiète pas car je m’active dans mon coin pour préparer ta prochaine négociation, qu’aujourd’hui tu refuses mais que demain tu imploreras.

Je ménage une place à l’aménité pour libérer le monde de ton enfer du comminatoire ».  

Martin Chodron de Courcel, Professeur de philosophie

Intervention du 26 Juin 2025 au Centre de Genève pour la Neutralité

June 29, 2025
Un appel mondial pour la neutralité active lancé depuis Genève
www.swissinfo.ch

Plusieurs acteurs ont lancé un appel mondial à Genève pour la neutralité active au moment les grandes puissances durcissent le ton. La ville est en compétition avec Vienne pour attirer un Congrès international sur cette question en 2026.

(Keystone-ATS) Au terme de deux jours d’une réunion qui a rassemblé 90 experts de la diplomatie, du droit international et du numérique de 27 pays à Troinex (GE) et en ligne, une déclaration publique et un plan ont été approuvés vendredi. D’ici fin 2026, l’objectif est de lancer un Réseau international sur la neutralité qui observera les pratiques des différents acteurs.

D’ici 2030, une Déclaration de l’ONU sur la neutralité active dans l’écosystème numérique et un label sont souhaités. Et un accord international contraignant pour la neutralité à l’ère numérique devra suivre à plus long terme.

Les confrontations entre grandes puissances provoquent de plus en plus de tensions. Alertant sur une « urgence », la déclaration publique relève que la neutralité ne signifie pas « l’indifférence ».

Celle-ci doit contribuer à la prévention et la résolution des conflits, de même qu’au désarmement et au basculement des dépenses militaires vers les investissements sociaux et écologiques. Et éviter une militarisation de l’intelligence artificielle (IA). La demande est lancée alors que les pays de l’OTAN ont décidé l’augmentation à 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) de leur financement militaire.

Après Bogota

Face à cette situation, « nous pensons que Genève et les espaces neutres en général jouent un rôle essentiel pour favoriser le dialogue, rechercher la vérité et défendre l’intérêt général », a affirmé à Keystone-ATS le président du Centre de Genève pour la neutralité, Nicolas Ramseier.

Il faut s’interroger « sur notre neutralité suisse, dite active, et, plus largement, sur le rôle que peuvent jouer les autres Etats neutres », ajoute-t-il. Et d’insister sur le fait que « plus la fragmentation et la méfiance s’accroissent, plus la demande de zones neutres, transparentes et sécurisées, tant physiques que numériques, devient forte ».

Mais il devient plus difficile de faire accepter « une position neutre », admet M. Ramseier. Son centre a été précisément établi dans cette période « de critiques, de malentendus et de réinterprétations », notamment contre la Suisse. « Nous devons repenser la neutralité », « comme une posture proactive et structurée », et l’adapter aux défis technologiques du 21e siècle, estime le président.

Après Bogota l’année dernière, le Congrès international sur la neutralité pourrait être organisé en juin 2026 à Genève. Des centaines de dirigeants, académiques ou membres de la société civile devraient participer.

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